Je trouve fascinant de constater que, outre les innovations technologiques, les nouvelles méthodes de marketing, de communication… une seule chose reste constante : la psychologie humaine.
En effet, depuis des siècles, l’Homme est motivé par les mêmes besoins. Les nouvelles techniques d’information et de communication ne sont que des moyens de combler ces besoins. Et ce sont ces besoins que Maslow a étudié pour en créer une pyramide.
Pour m’amuser, j’ai décidé d’essayer d’appliquer la célèbre pyramide de Maslow (ou pyramide des besoins) à une exposition d’art. Oui… chacun sa définition de l’amusement.
Afin d’y arriver, je considère une exposition comme un produit marchand qui répond à des besoins. Les visiteurs d’une exposition ont toujours une bonne raison d’être là !
Mais quelle est cette raison ?
Attention, dans cet exercice je vais chercher les véritables raisons qui poussent le public à franchir la porte d’une galerie ou d’un musée.
Cet exercice mériterait certainement une étude sociologique ou psychologique plus avancée… Car nous avons rarement conscience des véritables motivations qui nous poussent à faire les choses.
Bien sûr il y a la raison que l’on se raconte, mais il y a aussi la véritable raison profonde, plus sombre et inavouable en société.
Le banquier américain J.P. Morgan disait :
“Une personne a deux raisons de faire quelque chose : une bonne raison, et la vraie raison”.
Un marketeur ou communiquant doit s’efforcer de déceler la vraie raison.
On s’y essaye ?
La pyramide de Maslow
La pyramide de Maslow est une pyramide des besoins créée par le psychologue américain Abraham Maslow en 1943. Elle répertorie les besoins des êtres humains, du plus physiologique au plus psychologique.
- Les besoins physiologiques : manger, boire, avoir un endroit chaud et sec où dormir…
- Les besoins de sécurité : avoir une source de revenus stable, être en bonne santé, être protégé des animaux sauvages qui rôdent la nuit…
- Les besoins d’appartenance : être aimé par votre famille, apprécié par vos collègues, collecter des likes sur Instagram, vous faire inviter à la boom de Kévin de la 5e B…
- Les besoins d’estime : à vos propres yeux, vous sentir plus compétent et vertueux que la moyenne des gens. Et aux yeux des autres, vous sentir valorisé au travail, conduire une plus belle voiture que votre beau-frère…
- Les besoins d’accomplissement de soi : exprimer sa créativité, se sacrifier pour les autres, trouver Dieu, Suivre sa passion…
Le concept de pyramide suggère que chaque niveau doit être satisfait avant de passer au niveau suivant. Mais la hiérarchie est contestée et il a été suggéré que l’ordre des besoins est partiellement culturel. Le concept est même critiqué par certains sociologues.
Peu importe, d’un point de vue marketing, je trouve la pyramide de Maslow très utile. Car elle permet de dépasser ses idées préconçues sur les motivations des consommateurs. Et que tout ce que les gens achètent répondra toujours à un ou plusieurs points de la pyramide. Les expositions ne faisant pas exception à la règle.
Retrouvez tous livres écrits par Abraham Maslow ici, ainsi que de nombreux ouvrages d'analyse de cette théorie.
Quels besoins assouvit une exposition d’art ?
Je suis certaine que vous avez déjà repéré les points qui peuvent s’appliquer à une exposition dans la pyramide.
Il est clair qu’une exposition ne remplit pas les 2 premiers besoins de la pyramide. En aucun cas elle n’aide le public à assouvir ses besoins physiologiques et de sécurité. Bien qu’une exposition soit un bon endroit où se réfugier un jour de tempête pour passer le temps… et qu’un coin restauration est bien utile à la sortie de l’exposition pour reprendre des forces après avoir été debout pendant 1h.
La “bonne raison” d’aller visiter une exposition pourrait à première vue être d’en apprendre plus sur le sujet présenté dans l’exposition. Mais il y a des vraies raisons qui transcendent tous les sujets et peuvent s’appliquer à n’importe quelle exposition.
Les besoins d’appartenance :
Être aimé par votre famille, apprécié par vos collègues, collecter des likes sur Instagram, vous faire inviter à la boom de Kévin de la 5e B…
Je pense qu’une exposition aide complètement à assouvir ce besoin d’appartenance. Une exposition est un marqueur social. En tant que tel, mais aussi par le sujet qu’elle aborde.
Si vous allez voir une exposition sur l’art numérique et immersif, vous démontrez que vous appartenez au groupe des personnes avant-gardistes, à la pointe des tendances, portées vers l’avenir.
Si vous allez voir une exposition sur les cuillères en argent dans l’art romantique, vous démontrez une appartenance à un groupe social porté sur les valeurs traditionnelles.
Dans les deux cas, vous prendrez des photos et les partagerez sur Facebook ou Instagram afin de prouver à votre groupe social que vous êtes bien à votre place.
L’exposition joue un rôle de totem à obtenir pour faire partie d’une tribu.
Ceci explique l’essor des expositions Instagram et des corner à selfie. C’est aussi pourquoi les boutiques des musées fonctionnent. Il faut garder une preuve que l’on y était !
Et sans surprise, je suis la première à me prendre en selfie lorsque je visite une exposition pour partager la preuve à toute ma tribu ;).
Les besoins d’estime :
À vos propres yeux, vous sentir plus compétent et vertueux que la moyenne des gens. Et aux yeux des autres, vous sentir valorisé au travail, conduire une plus belle voiture que votre beau-frère…
Il est très difficile de s’avouer ce besoin… Si vous y réfléchissez bien, ne ressentez-vous pas cette petite fierté après avoir visité une exposition ? Lorsque vous racontez ce que vous avez fait ce week-end à la machine à café, ce n’est pas un peu pour vous vanter ?
D’un point de vue personnel, il est vrai que je ressens une certaine satisfaction à me cultiver plutôt que de passer mon après-midi devant Les Marseillais à L.A. … Et qu’au fond de moi, je dénigre ceux qui le font et me sens supérieur à eux. La pyramide de Maslow demande d’être véritablement honnête. Même si ce n’est pas toujours évident.
Les besoins d’accomplissement de soi :
Exprimer sa créativité, se sacrifier pour les autres, trouver Dieu, suivre sa passion…
Pour certaines personnes, une exposition pourra remplir ce besoin d’accomplissement de soi. Mais ce sera plus rare.
Car je pense que pour arriver au stade de la passion pure et dure, sans arrière-pensée, il faut être absolument comblé en besoin d’appartenance et besoin d’estime, ce qui est rarement le cas.
Mais pour certains, la passion transcende les besoins d’appartenance à un groupe. Elle transcende même le bon entendement. Je pense par exemple aux passions improbables comme “l’utilisation du rouge dans la peinture de Géricault”.
Vous l’avez compris, la passion, selon moi, ne motive réellement qu’un groupe restreint de personnes. Certainement des professionnels de l’art et déjà très accomplis dans le secteur culturel.
Effectivement, pour ces passionnés d’art, les artistes et les expositions peuvent jouer le rôle d’un dieu. L’étude du rouge dans la peinture de Géricault pourrait même s’apparenter à un sacrifice (en matière de temps et d’énergie intellectuelle), envers le Dieu des arts.
Mais nous ne parlons pas ici des visiteurs lambdas d’une exposition.
Conclusion
Contrairement aux idées reçues, le marketing n’est pas un lavage de cerveau pour obliger les personnes à consommer votre produit. Selon moi, le marketing, c’est comprendre réellement l’être humain et ses motivations, afin de lui proposer un produit (une exposition) qui correspond à sa réalité, et lui faire connaître de manière intelligente.
Certains disent qu’un bon produit (ou une bonne exposition) n’a pas besoin de marketing. Mais sans marketing, comment faites-vous savoir aux personnes intéressées que votre exposition existe ? Certes, il y a le bouche-à-oreille… Mais ce serait dommage de se priver de comprendre comment le bouche à oreille fonctionne et de ne pas l’amplifier !
La pyramide de Maslow est un outil marketing, parmi beaucoup d’autres, qui permet de lever les tabous sur les êtres humains consommateurs que nous sommes.
La hiérarchie de la pyramide a beau être contestée, je pense qu’elle est valable dans le cas d’une exposition d’art.
En effet, elle explique pourquoi la classe sociale des visiteurs d’une exposition est toujours la même : CSP+, bac+5… Car il faut d’abord avoir assouvi ses besoins physiologiques et de sécurité avant de s’intéresser à l’art.
Cela me fait penser à l’écologie. Il est très injuste de demander à une personne de s’intéresser aux manières de réduire son impact écologique alors qu’elle a déjà du mal à avoir un toit sur sa tête.
Tant que ce public n’aura pas assouvi ses besoins principaux, visiter une exposition ne fera pas partie de l’équation de ses besoins.
La psychologie des visiteurs d’expositions vous intéresse ? Découvrez dans cet article ce que les visiteurs d’un lieu culturel recherchent le plus sur Google !
2 réponses
L’Art est aussi un besoin primaire…
J’ai trouvé cet article très intéressant : https://www.atd-quartmonde.fr/se-loger-et-manger-cest-plus-important-que-la-culture-vrai-ou-faux/
à mettre en perspective par rapport à votre article (surtout cette dernière année où nos gouvernants on décidé pour nous ce qui était essentiels, certainement dans une lecture scolaire et dogmatique de la pyramide de Maslow.)
Bonjour Joel, merci d’apporter cet autre point de vue sur la pyramide appliquée à la Culture, c’est très intéressant !