Comment savoir qu’un jeune de 25 ans qui aime l’art contemporain africain achète son billet sur Digitck le vendredi soir… ?
C’est ce que la collecte et l’étude de données visiteurs permettent (entre autres) de savoir !
C’est aussi un des sujets qui a abordés lors des rencontres IESA 2020 avec la conférence “Utiliser les données visiteurs pour mieux piloter son activité patrimoniale”, réunissant le savoir de belles institutions comme le CMN et le musée du Louvre.
Alors, à l’heure où les producteurs de divertissement pure player comme Netflix basent leur stratégie uniquement sur la data… Comment une institution culturelle peut tirer son épingle du jeu ?
Pour vous, j’ai résumé l’essentiel de cette échange dans le cadres des Rencontres IESA – Patrimoines et Innovations. Découvrez des pistes de réflexions et des références qui vous permettront de devenir expert des datas en institution culturelle !
Datas et institutions culturelles : tout commence par la stratégie
A quoi ça sert concrètement de récolter de la data ? C’est LA question à vous poser avant de mettre en place des systèmes de collecte et d’étude de données. Car attention à ne pas produire de la data pour en produire. Il vous sera TRÈS utile de planifier à l’avance vos objectifs (et vos moyens) afin de concentrer votre énergie là où elle sera la plus efficace.
Objectif 1 : l’étude, la segmentation et la diversification des publics
La donnée permet premièrement de connaître véritablement ses visiteurs. Quelle est leur identité en dehors de leur fonction de visiteur ? Sont-ils aussi des voyageurs, étudiants, parents, influenceurs, cadres dynamiques… ?Autant d’information qui permettent d’identifier les profondes motivations et points de frustrations des visiteurs captifs et des visiteurs en devenir.
Objectif 2 : le développement économique et la planification médias
Acquisition, transformation, fidélisation. Le slogan des marketeux ! La data permet d’aller chercher son visiteur là où il se trouve. De lui pousser l’information dont il a besoin / envie. Puis de le convertir grâce à des stratégies automatisées ! Une fois converti, rendez-le addict en lui proposant l’information et la programmation dont IL a besoin.
Objectif 3 : la personnalisation des informations
La donnée permet de personnaliser à la fois les parcours, les supports de visite, les communications. En d’autres termes : c’est proposer le bon contenu à la bonne personne au bon moment. Cela pour tous types de publics : étudiants, touristes, enseignants, famille, professionnels…
Objectif 4 : la dématérialisation des process
Billetterie en ligne, contrôles d’accès, supports de visite… autant d’éléments dans le parcours du visiteur qui peuvent être dématérialisés intelligemment grâce aux données des visiteurs.
Objectif 5 : la valorisation des collections
Quelles collections sont à numériser en priorité ? Comment structurer l’information digitale relative aux oeuvres pour répondre aux attentes des internautes ? Voilà encore une manière d’utiliser la data visiteur.
Objectif 6 : la gestion des flux et des espaces
Reconnaissez qu’il y a beaucoup d’avantages à connaître précisément les périodes de forte affluence, ainsi que les espaces les plus encombrés ? La donnée permet de gérer les flux, ainsi que l’organisation des espaces et de la scénographie. Ce que l’on appelle aussi Yield management.
objectif 7 : faciliter la prise de décision
Globalement, la donnée permet de faciliter la prise de décision. Bien qu’il soit très important d’avoir une connaissance du terrain, les chiffres permettent d’avoir une vision à très grande échelle sur l’ensemble des enjeux d’une institution culturelle.
Comportement bah ouais ! Quelles sont les données visiteurs qu’une institution culturelle peut exploiter ?
Entrons dans le vif du sujet. Voici une liste exhaustive (le plus possible) des différentes données que l’on peut récolter sur ses visiteurs. Vous le verrez, nous sommes bien loin des simples données de la billetterie !
Toutes les données qui peuvent vous être utiles sont donc :
- Les données personnelles
- Les flux de visiteurs
- Les comportements d’achat
- Les comportements et parcours pendant la visite en fonction de la typologie des expositions.
- Les comportements avant et après la visite
- Les comportements en ligne (de la recherche Google, au parcours sur le site Internet, jusqu’à l’achat)
- Les comportements sur le site Internet (UX / UI)
Quels outils et méthodes utiliser pour récolter toute cette data ?
Vous avez une idée des données que vous souhaitez récolter et vous avez mis à plat vos objectifs ? Il est temps de passer à l’action. De nombreux outils spécialisés dans le secteur culturels, ou non, existent pour vous permettre de récolter et exploiter les données visiteurs.
- Utilisez un CRM, ou plateforme marketing de Customer Relationship Management comme Arenametrix
- Récoltez et analysez les avis clients avec des outils comme civiliz, ou Avis Vérifiés, une entreprise française !
- Soyez maître du comportement des utilisateurs sur votre site web en utilisant les services de Klee Group, Smart look, Google Analytics, ou encore Google Search Console.
- Utilisez la donnée disponible gratuitement sur vos réseaux sociaux, et payante lorsque vous mettez en place des publicités. (Cf. 10 exemples de publicités Facebook lancées par des musées et lieux culturels)
- Mettez en place des formulaires stratégiques sur vos abonnements, comme l’a fait le CMN avec l’abonnement “passion monuments” .
- Servez-vous de toutes les données publiques des études du ministère de la culture.
- Utilisez l’intelligence du livre d’or numérique créé par Guest views.
- Organisez vos listes d’abonnés et produisez des newsletters pertinentes grâce aux outils d’emailing comme Sendinblue, Mailerlite, Mailchimp…
- Mettez en place un Chatbot sur votre site Internet, comme Ask Mona, pour savoir quelles sont les informations recherchées en priorité par vos visiteurs.
- Les bonnes vieilles méthodes fonctionnent également. Faites administrer des questionnaires in situ !
- Soyons collaboratifs. Partageons les données avec d’autres acteurs (musées, aéroports, transports, commerçants…)
Les enjeux soulevés par les données visiteurs :
Le séminaire dédié aux données des visiteurs de musées et autres institutions culturelles des rencontres IESA 2020 a également permis de soulever quelques enjeux liés à la récolte et l’utilisation de données. A nouveau, voici un concentré des limites et contraintes évoquées par les participants du séminaire :
- Se positionner face aux GAFAM qui ont pour l’instant le contrôle de la donnée
- Monétiser la donnée
- Contrôler le volume et le stockage des données dans un souci écologique
- Etre en capacité d’analyser et modérer toute la donnée produite, ce qui demande des moyens RH pour les institutions culturelles
- Respecter la réglementation pour la protection des données (RGPD)
- Gérer la « concurrence » avec les autres institutions culturelles (malgré les objectifs de démocratisation culturelle).
- Appréhender les données de manière croisée avec d’autres acteurs en contact avec les visiteurs, avant et après la visite.
Quelques exemples de projets qui utilisent la data
- Le projet Data&Musée qui propose un territoire d’expérimentations et de réflexions sur l’analyse des données par les institutions culturelles.
- Le projet Dali Lives du musée de Floride utilise l’intelligence artificielle pour ressusciter l’artiste surréaliste.
- Ask Mona, le chatbot qui utilise l’intelligence artificielle comme un levier au service des institutions culturelles pour faciliter l’accès à la culture.
La Grande-Bretagne en avance sur les questions de données visiteurs ?
Ces rencontres IESA ont permis de mettre en exergue le fait que les institutions françaises ont un petit retard par rapport à nos voisins britanniques.
Notamment par l’existence en Grande-Bretagne de l’association ALVA : Association of Leading Visitor Attractions. Une association qui réunit les 40 plus grands lieux culturels britanniques, avec un observatoire des publics commun, un benchmark financier commun, ainsi que 3 rencontres par an réunissant dans une salle les 40 décideurs des plus grandes institutions. Une coopération permettant de belles avancées sur la connaissance des publics et des visiteurs.
Quel budget pour mettre en place une collecte et une utilisation des données efficaces ?
Le budget lié à cette nouvelle pratique n’a pas été vraiment abordé en profondeur lors de cette rencontre IESA, faute certainement de temps.
Mais vous vous en doutez, le budget dépendra de vos objectifs et de la dimension de votre institution culturelle.
Par exemple, les institutions accueillant plus de 10 millions de visiteurs par an comme le CMN et le musée du Louvre ont des services dédiés à l’étude des données.
Lorsque le Louvre fait une campagne d’emailing pour sa réouverture après le confinement, c’est à 450 000 personnes qu’il écrit !
En revanche une petite institution aura plus intérêt à parfaitement mettre en place les basiques de l’utilisation de la donnée avant de s’attaquer à des chantiers plus ambitieux.
Conclusion :
Les données visiteurs ne se limitent donc pas aux données personnelles récoltées via la billetterie. Elles peuvent également être comportementales et anonymisées ! Les outils pour les collecter sont nombreux et de plus en plus spécialisés dans le secteur culturel.
Nous l’avons vu, la donnée doit véritablement servir une stratégie et ne pas être collectée sans moyen pour l’analyser.
Par ailleurs, il est crucial pour les institutions culturelles de ne pas perdre la course contre la montre face aux GAFAM. Les musées, fondations, monuments… ont de l’or entre leurs mains avec l’accès à une multitude de données. L’occasion ou jamais de connaître profondément ses visiteurs et leurs comportements pour proposer des services et une communication sur mesure, tout en diminuant les efforts.
Merci à tous les intervenants des rencontres IESA d’avoir partagé ce savoir avec nous ! Chers lecteurs, vous pouvez également retrouver le replay de cette rencontre ici.